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Base Élèves : Lettre ouverte aux enfants…
 Mis en ligne en décembre 2009
 Modifié le 22 décembre 2009
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On a trouvé ça sur l’internet, ça nous a semblé pertinent, bien écrit, un peu long peut-être, mais ça mérite d’aller au bout…

Les enfants, je vous adresse cette lettre car le sujet ci-dessous vous concerne. Peut-être vous intéressera-t- il ?

Voici les faits :
Le ministère de l’éducation nationale stocke depuis plusieurs mois des informations vous concernant sur un système informatique situé en région parisienne. Ces informations, ce sont vos noms, prénoms, adresse, date de naissance, et votre cursus scolaire complet, de l’école maternelle à l’université.
Il est prévu de conserver ces informations pendant 35 ans (jusqu’à vos 37 ou 38 ans au moins).
Ce système informatique s’appelle la Base Nationale des Identifiants Élèves, ou de son petit nom (acronyme) BNIE.
C’est la première fois depuis très longtemps en France que l’état recense dans un même endroit l’ensemble de la population d’une tranche d’âge avec les noms et prénoms.
Vous avez peut-être entendu parler du recensement de la population, des bases de la sécurité sociale, du fichier de recensement de la police… Tous ces fichiers sont soit anonymes (population), soit ne recensent pas toutes les personnes et sûrement pas pendant 35 ans.

Pourquoi cette BNIE ?
Je n’en sais rien.
C’est pourquoi je vous adresse cette lettre… Pour que vous demandiez autour de vous, à vos parents, à vos professeurs, à vos proviseurs, à vos élus, à vos proches….
Pourquoi ?
Peut-être aurez-vous une réponse qui soit une très bonne raison et qui respecte nos principes français de « Liberté, égalité, fraternité »…

Pourquoi s’adresser à vous les enfants ?
Parce que je ne sais pas vers qui me tourner.

J’ai pensé aux statisticiens
La statistique, cela revient à savoir combien sans se préoccuper de qui. C’est même une règle absolue des statisticiens afin de ne pas se laisser perturber par un nom, un prénom, une personne parmi d’autres.
Ce qui intéresse le statisticien, c’est de comparer, d’analyser, pas de pointer une personne du doigt. Au contraire, les statistiques permettent de comprendre là où il faut mettre de l’argent, des moyens, des routes et des écoles….
Je suis un statisticien formé à l’école de l’insee (institut nationnal des statistiques et des études économiques) et j’ai appris durant toute ma scolarité qu’il ne fallait JAMAIS réaliser une base comme la BNIE et qu’il y avait bien d’autres chemins pour obtenir les mêmes résultats statistiques.
Or, la BNIE sert aux statisticiens comme le prouve un bulletin officiel de l’éducation nationale ; elle a été réalisée par d’anciens collègues statisticiens issus de mon ancienne école.
Peut-être les autres statisticiens ne sont-ils pas encore au courant et quand ils vont découvrir l’existence de la BNIE, ils vont dire et crier que ce n’est pas possible…

J’ai pensé aux informaticiens.
Sans eux et les ordinateurs, il est quasiment impossible de conserver autant de données sur plus de 45 millions d’élèves… 45 Millions, c’est beaucoup pour 60 Millions de français… En fait, vous êtes un peu plus de 13 millions d’élèves en ce moment mais les données étant conservées pendant 35 ans, on parle bien en permanence dans la BNIE de plus 45 millions d’élèves ou anciens élèves.
Or, chez les informaticiens (c’est aujourd’hui mon métier), l’information est au cœur de leur métier ainsi que l’argent, le pouvoir ou la gloire que donne cette information.
Je connais beaucoup d’informaticiens qui, quand une prouesse technique est possible, s’efforce de la faire sans se poser la question de « est-ce que c’est bien de le faire ? ».
Pour la comparaison, il est techniquement possible de détruire un pays entier simplement en appuyant sur un bouton… Faut-il appuyer sur le bouton ? Quelqu’un a-t-il appuyé sur le bouton ?
Tous les jours, je rencontre des informaticiens qui se glorifient de pouvoir faire et qui font…
D’autres parlent beaucoup de liberté, de programmes partagés entre tous, ouverts et libres… mais que doit-on faire des données personnelles de chacun, des photos, des travaux…. qu’en est-il des droits de chacun à ne pas être filmé, enregistré, fiché…

J’ai pensé à vos parents
Beaucoup sont déjà au courant de l’existence d’une base élève nationale. Certains se battent courageusement depuis plusieurs années. D’autres disent qu’ils n’ont rien à cacher…
Je ne vous parle pas de se cacher mais de ne pas être fiché. Ce n’est pas la même chose, non ?
Cela me rappelle une triste histoire d’un peuple pendant la seconde guerre mondiale qui a été fiché et qui a du se cacher ou mourir… mais c’est une autre histoire… de fichage.
Beaucoup des parents pensent que c’est le progrès et que si cela peut permettre de faire des économies, alors tant mieux pour notre pays.
Mais on peut faire autrement pour étudier les cursus des élèves en France, pour trouver les doublons, pour gérer au mieux les dotations financières dans les écoles. Il y a bien d’autres moyens tout aussi efficaces et bien connus des statisticiens et des informaticiens.
D’autres ministères ont déjà mis en place de telles méthodes et, quand je travaillais pour le ministère de l’éducation nationale, ce sont des méthodes respectueuses de chacun des enfants qui étaient mises en place.
Qu’est-ce qui a changé en 10 ans ? Je ne sais pas.
J’ai bien pensé à parler à vos parents de l’idée de constituer un fichier similaire avec TOUS les adultes et leur cursus professionnel (ça n’existe pas bien entendu) pour leur faire comprendre ce qui était construit pour leurs enfants.

J’ai pensé à vos professeurs
Ils se battent déjà, surtout certains directeurs d’écoles maternelles et primaires qui risquent leur salaire et leur poste chaque mois en s’opposant à ce système et ce fichage.
Pourtant, certains s’essoufflent car ils se battent depuis longtemps et ne se sentent pas aidés, compris.
Normal… cela leur fait du boulot en plus, alors on peut dire qu’ils ne veulent pas du système car ils ne veulent pas du boulot…
Au collège et au lycée, ce ne sont pas les professeurs qui sont concernés par ce fichage mais les proviseurs et secrétariat… donc ils sont moins présents dans ce combat car ils ne voient pas le problème.
De plus, on leur a dit que c’était sécurisé et qu’en primaire, c’était le même système que celui qui avait été mis en place au collège et lycée (ce système s’appelle scolarité).
Or la BNIE concerne TOUS les élèves et étend donc l’ancien système scolarité.
Ils sont donc concernés mais ne sont peut-être pas au courant.

J’ai pensé à l’agence de défense de la liberté dans l’informatique, la CNIL (commission nationale informatique et liberté)
Cette commission, c’est elle qui défend nos libertés à être ou ne pas être fichés dans des systèmes informatiques.
Malheureusement, la CNIL a publié sur son site un mode d’emploi sur la base élève du premier degré (maternelle et primaire) qui affirme que la BNIE n’existe pas, en jouant sur l’appellation de cette base et donc la confusion.
Exprès ou non, je n’en sais rien….
Quoiqu’il en soit, cette commission met beaucoup de mots, de temps et de personnes pour affirmer que le fichier national du premier degré est anonyme, et ils ne parlent pas de la BNIE…
Par contre, aucun document des déclarations obligatoires n’est publié sur leur site.
Sont-ils débordés ? N’ont-ils pas vus ? N’ont-ils pas compris ?
Comment faire quand ceux qui garantissent nos libertés sont peut-être aveugles et semble refuser le débat ?

J’ai pensé à nos politiques
Le problème, c’est que le système initial a été mis en place par la candidate au deuxième tour de la dernière élection présidentielle. Le système est aujourd’hui conforté par notre président de la république, l’autre candidat de cette dernière élection.
Les deux adorent les sondages, les chiffres et semblent confondre la gestion locale (qui ?) avec la statistique nationale (combien ?).
Certains autres politiques se bougent un tout petit peu, mais ils sont un peu gênés par le courant commun de pensée initié par nos deux leaders.
Savoir qui, c’est aussi très pratique pour un politique qui veut être élu….

J’ai pensé au conseil d’état
Le conseil d’état comprend des sages qui peuvent défaire ce qui a été fait par nos politiques, s’ils pensent que c’est contraire aux principes de l’état français. On a l’habitude de dire que c’est la plus haute juridiction de l’état. Ils peuvent donc dire au ministère de l’éducation nationale d’arrêter tout.
Bon, il se sont saisis du problème il y a quelques mois et sont sur une voie assez respectueuse de vos droits.
N’empêche qu’ils ne semblent pas être au courant de la BNIE ou qu’ils considèrent que cela ne fait pas partie de la base élève premier degré, alors même que la BNIE a été conçue pour permettre le dédoublonnage des élèves de « base élève » et « scolarité ».
Bref, s’ils loupent le coche, il devront peut-être de nouveau se saisir sur la BNIE et recommencer une nouvelle procédure dès le début, donc longue et attendre encore de long mois avant de se prononcer.

J’ai pensé aux journalistes
Là, je me suis très très très vite arrêté car les journalistes ont des clients dont leurs lecteurs, leurs auditeurs… Et, vous, les enfants, lisez-vous souvent les grands journaux nationaux en dehors de la classe, regardez-vous les journalistes à la télé…. Bref, vous n’êtes pas leurs clients.
De plus, le sujet demande beaucoup de travail d’investigation pour comprendre…
Peut-être y-en-a-t-il un ou une qui travaille en ce moment sur le sujet et qui va sortir un scoop dans quelques temps ?

J’ai pensé aux fonctionnaires utilisateurs de la BNIE
Ils sont près de 400 à pouvoir faire des requêtes sur cette base, des exports, au sein du ministère de l’éducation nationale, mais aussi, semble-t-il, au sein d’autres administrations, le ministère de l’agriculture, le ministère de la défense (il y a des écoles qui dépendent de ces ministères).
Pour eux, c’est très pratique ce fichier, car cela permet d’aller plus vite qu’avant sur les recherches d’enfants, de doublons, un certain nombre de procédures administratives concernant des enfants du voyage, scolarisés au CNED, handicapés, malades à l’hôpital, en écoles spécialisées…
Bref, il n’ont aucun intérêt dans leur travail quotidien à changer ce nouveau système.
Certains ne savent pas que l’on peut faire tout aussi simple et efficace sans les défauts du système. D’autres ne croient pas que cela soit possible. Enfin, il y en a qui adorent regarder si l’enfant du voisin à bien redoublé sa classe ou non, si le fils de tel acteur connu est bien en échec scolaire….
C’est pratique de centraliser l’information à un même endroit pour savoir.

Puis, j’ai pensé à vous, les enfants

Beaucoup parlent de la planète que l’on laissera à nos enfants. Sur cette planète, il y a aussi des systèmes d’organisation des sociétés, dont la BNIE fait partie.

Aussi, après avoir pensé à beaucoup de personnes, je me suis dit que le plus simple était de m’adresser à vous et de vous poser la question : avez-vous envie que votre nom, votre prénom et votre cursus soit fiché pendant 35 ans ?

Ne me croyez pas sur parole (sur écrit devrais-je dire)… Vérifiez, questionnez, commentez, faites valoir vos droits dont on fête les 20 ans.

Faites-vous entendre et décidez pour vous même et -pourquoi pas- ensemble si ce système vous convient ou non…

Il vous concerne plus que moi (qui resterai anonyme car le pourquoi est plus important que le qui).

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