6 pages pour pas grand-chose…
Après le COVID (qui n’a occasionné aucun plan d’urgence), après le constat que les inégalités scolaires corrélées aux inégalités sociales se maintiennent ou s’aggravent, après les tensions sociales extrêmement graves que vit le pays, le gouvernement ne prévoit quasiment aucun nouveau moyen pour l’école à la prochaine rentrée.
Circulaire de rentrée 2023 :
https://www.education.gouv.fr/bo/20...
1. L’école comme "espace protecteur" pour les élèves et les personnels
La lutte « implacable » contre « le harcèlement sous toutes ses formes est « la priorité absolue » :
- Les personnels sont invités à organiser des « sessions de sensibilisation, le cas échéant avec les partenaires associatifs de l’École, et d’y associer autant que possible les parents d’élèves »
- Un « plan de formation destiné notamment à mieux travailler et développer les compétences psycho-sociales des élèves » est annoncé.
- L’évolution du cadre réglementaire pour permettre de changer un élève « auteur de harcèlement » d’école dans le premier degré.
La circulaire mêle valeurs de la République et harcèlement, « pressions politiques, philosophiques ou religieuses extérieures », racisme, discriminations et sexisme dont les élèves doivent être protégés : « Le programme d’enseignement moral et civique sera revu en ce sens pour une mise en œuvre dès la rentrée 2024 ».
Enfin, la circulaire affirme la nécessité d’une « protection de ses personnels », avec « l’octroi systématique de la protection fonctionnelle, d’un accompagnement au dépôt de plainte et de sanctions disciplinaires systématiques lorsqu’elles seront commises par des élèves ».
Aucun moyen n’est dévolu à la « priorité absolue »…
Les enseignant es devraient, par contre, comme prévu dans la charte qu’on les pousse à signer, « sensibiliser » les familles au harcèlement, alors même que cela ne fait en aucun cas partie de leurs missions.
Un « plan de formation » sur les compétences psycho-sociale des élèves est annoncé, alors que les formations actuelles sont annulées faute de remplaçant es, ou basculées hors temps de classe…
Sans moyens supplémentaires de remplacement, la mise en œuvre de cette formation est illusoire.
Enfin, la possibilité de changer un élève d’école existait déjà. Ce que les textes vont permettre, et que la circulaire ne dit pas [attention : textes en attente de publication au BO], c’est la possibilité de l’éviction temporaire d’un élève par le/la directeur/trice (“mesure conservatoire”), ce qui va faire peser une responsabilité exorbitante sur ses épaules.
Cette mesure engendre un conflit de textes entre ceux de la protection de l’enfance, ceux qui instituent le droit à l’instruction et ce nouveau texte. En conséquence, c’est la jurisprudence à venir qui dira tout ce que cette mesure ouvre comme conséquences.
2. La réaffirmation des « savoirs fondamentaux »
La circulaire affirme que cette politique éducative est la voie à poursuivre, « L’enquête PIRLS révèle ainsi qu’en dépit des effets de la covid-19, la France est le seul pays de l’Union européenne dont les résultats ont progressé, tous les autres pays ayant vu les leurs chuter fortement ». Le CASF (conseil académique des savoirs fondamentaux) doit élaborer des « feuilles de route » pour les enseignant
L’heure de soutien en collège est présentée comme permettant “aux élèves de travailler spécifiquement les compétences clés sur lesquelles ils présentent des fragilités” mais aussi comme étant « pour la première fois » l’occasion d’un « continuum école-collège ».
Ce que la circulaire ne dit pas au sujet de PIRLS, c’est que si le résultat des élèves français progresse globalement de 2,5 points, les écarts se creusent. Les élèves performants sont moins nombreux mais progressent encore entre 2016 et 2021, pendant que le pourcentage d’élèves dans les niveaux bas augmente, de 18% en 2016 à 22% en 2021.
Les annonces de « feuilles de route » ne peuvent que nous faire craindre une aggravation des prescriptions autour des “fondamentaux” et du pilotage par les évaluations nationales standardisées, dont la FSU-SNUipp montre qu’ils creusent les inégalités tout en mettant à mal la professionnalité enseignante.
Le continuum école-collège existe déjà dans les textes, mais peine à vivre du fait de l’absence systématique de moyens (remplacement, déplacement… notamment).
3. Des mesures « en faveur des territoires les plus en difficulté »
- En zone rurale, la circulaire annonce un « dialogue triannuel » sur les fermetures/ouvertures de classes ; les dispositifs existants sont rappelés :
- « extension du nombre de territoires éducatifs ruraux, pour atteindre 300 dans toute la France ;
- nouvel appel à labellisation des internats d’excellence ;
- développement des stages de réussite ;
- dispositifs d’excellence comme les classes à horaires aménagées, bilangues ou internationales. »
- Dans les “Quartiers 2030” de la politique de la ville, sont énoncés :
- développement de l’accueil des tout-petits ;
- extension des horaires d’accueil au collège, afin de travailler sur le continuum entre temps scolaire et temps périscolaire ;
- renforcement des stages de réussite pendant les vacances scolaires ;
- extension des cités éducatives.
La carte de l’Éducation prioritaire aura 10 ans en 2024, elle devait être actualisée tous les 5 ans… La circulaire de rentrée n’annonce aucun chantier à ce sujet.
Les rectrices et recteurs sont simplement invité es « à utiliser l’ensemble des outils à disposition pour renforcer la mixité sociale et scolaire à compter de la rentrée 2024 ».
Sauf nouvelles annonces, c’est la fin d’une politique nationale d’Éducation prioritaire pour lutter contre les inégalités scolaires corrélées aux inégalités sociales, ce qui constitue une dégradation des conditions d’apprentissage en EP et conduira à une exacerbation des inégalités scolaires.
4. L’épanouissement des élèves
- Rappel des trois séances annuelles d’éducation à la sexualité. Saisine du Conseil supérieur des programmes.
- Attention portée à la santé mentale des élèves, rédaction d’un “protocole sur la santé mentale” en établissement scolaire.
- École inclusive : « les équipes des PIAL ainsi que l’ensemble des personnels sont invités à veiller une nouvelle fois à la bonne inclusion des élèves en situation de handicap », les familles doivent pouvoir rencontrer AESH et équipe pédagogique « en amont de la rentrée ou dans les tout premiers jours ».
Sont rappelés la création des « référents » rémunérés avec le pacte, la création du numéro INE pour tous les enfants “pris en charge dans le cadre médico-social”, la transformation à venir des PIAL… - EAC (éducation artistique et culturelle) : les équipes sont invitées à utiliser l’outil ADAGE ; la circulaire affirme que les moyens sont renforcés, sans plus de précisions.
- Écologie : un guide est annoncé, ainsi que l’extension des « aires éducatives ».
Tout repose donc sur l’énergie et l’engagement des personnels… aucune formation ne viendra compléter leurs savoirs professionnels sur des sujets pourtant peu voire pas abordés en formation initiale et continue.
Les moyens nécessaires à l’inclusion scolaire ne sont pas évoqués : départ en formation CAPPEI, postes RASED …
5. L’année olympique et paralympique
Rappel des 30 APQ
Là encore aucune formation, aucun poste de CPC-EPS (dont la plupart disparaissent depuis le déploiement des plans français et maths), aucun moyen pour mettre en œuvre et renforcer l’EPS à l’école…
Avec les 30 APQ, ce sont les enjeux des apprentissages en EPS qui sont mis de côté. Ces annonces sont par ailleurs un effet de communication qui durera le temps des JO.
6. Conseil National de la Refondation
Il s’agit des moyens attribués à certaines écoles, sur projet, par le « CNR éducation – notre école, faisons-la ensemble »
La circulaire précise que 7300 écoles ou établissements ont déposé un projet. Elle énonce que “la combinaison du Pacte enseignant et du CNR Éducation offre une opportunité inédite de rémunérer les professeurs pour effectuer des missions complémentaires jusqu’à présent peu valorisées financièrement”.
La circulaire confirme donc le passage d’une obligation de moyens de l’Etat pour tous les élèves sur tout le territoire, à une obligation de contractualisation permettant des financements aléatoires, sur projet des équipes et sans tenir compte de critères sociaux ou scolaires dans la répartition de ces budgets. Pour mémoire, il y a en France 51293 écoles et établissements publics.
Par ailleurs, elle confirme aussi un “changement de culture” avec des rémunérations liées au Pacte et donc inégalitaires et mettant les enseignant.es en concurrence.