Monsieur le Ministre,
Depuis un mois et demi, vous imposez un rythme effréné à l’école, surfant tous azimuts sur ce qui peut être un objet de communication pour vous. Vous dites pratiquer le dialogue social mais vous êtes plutôt adepte du monologue. Certes, des réunions sont programmées avec votre cabinet, convoquées la veille pour le lendemain, parfois annulées à la dernière minute mais bien souvent sans ordre du jour, sans document de travail et elles prennent toujours une tournure qui ne reflète pas vraiment le dialogue.
Vos déclarations lors de la journée mondiale des enseignants sont à l’image de cette façon de faire : les organisations syndicales représentatives des personnels ont été vaguement consultées par téléphone quelques jours avant. Mais ce n’est pas ça le dialogue social Monsieur le ministre, pour qu’il y ait dialogue, il faut échanger nos points de vue, discuter, argumenter et bien évidemment il faut pouvoir écouter, et forcément ça demande du temps.
Vouloir réformer l’école en deux mois est un objectif bien prétentieux, comment penser que les personnels seront réellement écoutés via une consultation en ligne qui ne leur permettra pas d’établir un bilan en équipe et d’échanger sur ce qui fait obstacle à leur pratique ?
Pourtant, nous vous l’avons déjà dit, une réforme qui se fait sans les enseignantes et les enseignants a peu de chance d’être appliquée. Les professeurs ont une expertise que vous méprisez depuis votre arrivée à la tête du ministère. En affirmant vos vérités sur l’école, vous excluez le terrain, le lieu même où tout se joue.
Comme vos prédécesseurs, en focalisant sur les fondamentaux, vous réduisez l’ambition scolaire en réduisant des pans entiers de savoirs pourtant indispensables. A rebours de votre « choc des savoirs », il faut permettre à toutes et tous d’acquérir une culture commune offrant des outils pour penser et transformer le monde. C’est bien par-là que la réduction des inégalités passera.
Avec votre volonté de mettre fin aux cycles, vous niez le fait qu’il faut plus de temps à certains pour apprendre et que chaque enfant est différent. Une fois encore c’est par la rentabilité que l’éducation est appréhendée.
A la nécessaire liberté pédagogique des enseignantes et enseignants, vous répondez labellisation des méthodes, bonnes pratiques et fiches prescriptives afin d’imposer un seul modèle d’apprentissage. Nous avons en France, des chercheurs et chercheuses en éducation qui en lien avec le terrain ont montré que d’autres pratiques étaient possibles mais vous les excluez là aussi en donnant toute latitude au CSEN.
Le métier de PE est un métier de haute qualification, complexe, fondé sur la capacité à analyser ce qui fait obstacle aux apprentissages tant du point de vue didactique que cognitif et la capacité pédagogique et didactique à les prévenir et à y remédier.
L’éducation a besoin d’un temps long et non d’une politique court termiste. Les programmes de 2015, pourtant approuvés par la communauté éducative, n’ont pas pu vivre puisqu’ils ont été court-circuités en 2017 par la mise en place de guides injonctifs.
Monsieur le Ministre, vous êtes allé voir ce qui se faisait de bien dans d’autres pays européens, notamment au Danemark, vous devriez essayer la Finlande, vous y verrez un système éducatif qui ne fait pas les frais de l’alternance des ministres.
Et une fois encore nous vous le disons, laissez-nous travailler !