Le Conseil d’État a demandé au gouvernement de « modifier » deux fichiers de recensement des élèves du primaire, dont le très contesté Base élèves, pour qu’ils soient conformes à la loi et puissent continuer à être mis en œuvre, dans une décision rendue publique lundi 19 juillet.
Le Conseil d’Etat a « invalidé sur plusieurs points » les traitements de données « Base élèves 1er degré », mis en place à partir de 2004, et « Base nationale des identifiants des élèves » (BNIE), créé en 2006, tous deux utilisés par le ministère de l’éducation nationale.
Base élèves, mis en place à partir de 2004 et généralisé en 2009, est un fichier de données informatiques rempli par les directeurs d’école et destiné au suivi des parcours scolaires.
BNIE recense l’ensemble des numéros uniques, internes au ministère, qui sont attribués aux élèves lors de leur première inscription, afin de faciliter la gestion administrative de leur dossier tout au long de leur scolarité.
A la suite de cette décision, « ces fichiers devront être modifiés afin d’assurer leur conformité à la loi ’informatique et libertés’ du 6 janvier 1978 », explique la plus haute juridiction administrative.
Le Conseil d’Etat a ainsi suivi l’avis du rapporteur public rendu à l’issue d’une audience le 30 juin, lors de laquelle étaient examinés des recours en annulation déposés le 22 décembre 2008 par deux particuliers, Mireille Charpy (ancienne directrice d’école) et Vincent Fristot (parent d’élève), qui demandaient l’annulation de l’arrêté portant création de Base élèves, en se fondant sur de nombreux motifs liés à des vices de procédures et à la violation de la loi ou de conventions internationales.
D’une part, le Conseil d’Etat demande la suppression de données relatives à la santé des élèves affectés en classes d’insertion scolaire (CLIS), collectées dans la première version de « Base élèves ».
« Par leur précision, ces données permettent de connaître la nature de l’affection ou du handicap dont souffrent les élèves concernés et constituent par conséquent des données relatives à la santé, dont le traitement aurait dû être précédé d’une autorisation de la CNIL » (Commission nationale de l’informatique et des libertés), résume le Conseil.
D’autre part, il demande que soit fixée pour le fichier BNIE « une nouvelle durée de conservation » des données, la durée actuelle de trente-cinq ans étant jugée « irrégulière ».
Pour autant, le Conseil d’Etat ne remet pas en cause l’utilisation des fichiers : les « régularisations » demandées sont nécessaires « pour que ces deux traitements puissent, compte tenu de leur utilité, continuer à être mis en œuvre », dit-il.
2 103 PLAINTES CLASSÉES SANS SUITE
Jeudi 15 juillet, le collectif de résistance à cette base de données a annoncé que le procureur de Paris avait classé sans suite les 2 103 plaintes déposées contre le fichier informatique du primaire Base élèves, tout en adressant un rappel à la loi au service juridique du ministère de l’éducation nationale.
Dans sa décision, le procureur de Paris affirme qu’il a « procédé au classement de la totalité de la procédure, après avoir adressé à la directrice des affaires juridiques du ministère de l’éducation nationale un rappel à la loi ».
Une décision jugée « quelque peu contradictoire », selon le collectif, qui a dénoncé un « choix politique ».
Lancé en 2007, Base élèves répertorie des informations variées sur les enfants scolarisés en primaire : état civil, lieu de naissance, cursus scolaire, nom du responsable légal…
Depuis plusieurs années, Base élèves est contesté par plusieurs associations dénonçant son caractère intrusif et la possible utilisation de données à des fins policières, dont le Collectif national de résistance à Base élèves (CNRBE).
Face aux critiques, Xavier Darcos, alors ministre de l’éducation nationale, avait revu deux fois ce fichier, en l’expurgeant de données à caractère personnel en 2007 (critères ethniques) puis en 2008 (profession et catégorie sociale des parents, situation familiale de l’élève, absentéisme signalé).
Selon le CNRBE, « deux cents » directeurs d’école ont refusé de le remplir. Pour cette raison, les directeurs des écoles primaires de Prunières et Séchilienne, dans l’Isère, se sont vus retirer leurs fonctions en mars.