Le Sénat a voté de nombreuses modifications au projet de loi Blanquer, dont la suppression des EPLESF [1].
D’autres dispositions ont été ajoutées : au final ce texte dessine un avenir inquiétant pour l’école.
La mobilisation reste à l’ordre du jour.
Les EPLESF au rancart
« Je le constate, il y a eu des malentendus (…) Il faut donc prendre le temps de la réflexion (…) le débat est désormais très ouvert. » Devant les sénateurs, JM Blanquer s’est donc rangé à leur avis, la création des EPLESF a été supprimée du texte de loi. Il est vrai que ces EPLESF avaient cristallisé la colère des collègues des écoles mais aussi celle des parents d’élèves et des élus locaux. La mobilisation a donc payé, il y a toutes les raisons de s’en réjouir.
Liberté d’expression
L’article 1 de la loi, évoquant « l’exemplarité » des enseignants, suscitait dès sa rédaction initiale de vives inquiétudes, d’autant que depuis quelques semaines, les menaces et les rappels à l’ordre commençaient à pleuvoir contre des enseignants jugés un peu trop critiques à l’égard de la politique éducative du ministre.
Il a été maintenu et allégé du rappel à la loi de 1983 sur les droits des fonctionnaires.
C’est la liberté d’expression des personnels qui se verrait contrariée si cet article était au final définitivement inscrit dans la loi
Direction d’école
Les sénateurs ont ajouté à l’article 6 une disposition qui prévoit que les adjointes et les adjoints des écoles se verraient désormais placés sous l’autorité du directeur ou de la directrice qui participerait, en lien avec l’IEN, à leur évaluation.
En clair, l’amorce d’un statut hiérarchique auquel la très grande majorité des personnels est opposée.
Formation continue pendant les vacances scolaires
Les sénateurs ont ajouté au texte que chaque enseignant, au cours des trois années qui suivent sa titularisation, devrait bénéficier d’actions de formation qui complètent sa formation initiale.
C’est une bonne chose, mais ils ont aussi ouvert la porte à la formation continue durant les congés et qui ne sera pas forcément rémunérée. La disposition vient d’ailleurs en écho, ce qui n’est pas un hasard, à un projet de décret aujourd’hui en préparation au ministère.
Maternelle à 3 ans
C’est la disposition qui était à l’origine de la loi, même si son objectif initial était de peu de portée, 98% des enfants de 3 ans étant déjà scolarisés. Le Sénat a étendu l’obligation faite aux communes de compensation financière pour les écoles privées à celles qui les subventionnaient déjà. 200 millions d’euros transférés donc au privé, sans la moindre contrepartie, en matière de mixité sociale notamment.
Pour les "jardins d’enfants" (structures payantes qui accueillent environ 10 000 enfants de familles plutôt privilégiées), les députés avaient prévu une période de transition pour laisser ceux-ci accueillir des enfants encore 3 ans.
Le Sénat les pérennise ce qui maintiendrait définitivement une structure parallèle à la maternelle : pas scolaire et socialement ségrégative.
Des écoles publiques pour les happy few
Si les EPLSF ont été supprimés, la création des établissements internationaux (EPLEI [2]), elle, est bien restée dans le texte.
Des structures regroupant école, collège et lycée avec un recrutement d’élèves sur profil : la bonne maîtrise d’une langue étrangère.
Est également prévue la possibilité pour ces établissements de percevoir des fonds privés pour leur fonctionnement. Autant dire que cela officialiserait un système éducatif public à deux vitesses
Les allocs et l’absentéisme
Envisagée lors du débat à l’assemblée nationale, puis retirée, la mesure visant à supprimer tout ou partie des allocations familiales aux familles d’enfants absentéistes est revenue et a été adoptée par les sénateurs et les sénatrices.
Une disposition sans efficacité et qui stigmatise un peu plus les familles des milieux les moins favorisés.
Les accompagnatrices voilées
Le Sénat a également adopté un amendement visant à interdire aux mamans voilées d’accompagner les sorties scolaires au motif que « le temps scolaire doit demeurer un espace où aucun signe religieux ostentatoire de doit être exposé aux élèves. »
Voilà qui, sous couvert de laïcité, pourrait satisfaire les plus conservateurs, mais qui compliquerait encore un peu plus le travail des équipes attachées à rapprocher de l’école les parents qui en sont le plus éloignés.
Cet amendement va par ailleurs à l’encontre de la jurisprudence constante du Conseil d’État.
Exit le Cnesco
Remplacé par un tout-nouveau « Conseil d’évaluation de l’école » lors du débat à l’Assemblée, le Cnesco n’a pas bénéficié d’un rattrapage au Sénat. Les sénateurs ont toutefois légèrement modifié la composition de la nouvelle instance, sans pour autant lui donner plus d’indépendance, une indépendance qui faisait la valeur et tout l’intérêt des travaux du Cnesco.
Le ministère aura donc désormais un système d’évaluation à sa main qui risque peu de questionner la pertinence de sa politique éducative.
Formation initiale et entrée dans le métier
Pas de changements venus du sénat :
- mise au pas des ESPE transformées en « Inspe » (Instituts nationaux supérieurs du professorat et de l’éducation) dont les directeurs seront directement nommés par le ministre.
- recrutement d’AED en L2 auxquel les pourront être confiées des missions d’enseignement.
Et pour la suite ?
La mobilisation des enseignantes et des enseignants des écoles est donc toujours à l’ordre du jour, notamment le jour de la commission mixte paritaire prévue mi-juin.
Pour le SNUipp-FSU, c’est toujours l’abandon de cette loi dont il est question.