Nous faisons depuis plusieurs années le constat d’une dégradation des conditions d’exercice des métiers de formateurs et formatrices. L’augmentation de la charge de travail, la multiplication des missions à caractère plus administratif ont peu à peu transformé nos missions, les éloignant de ce qui fait leur cœur de métier, à savoir la formation initiale et continue des enseignants et enseignantes.
Après deux années scolaires impactées par une crise sanitaire sans précédent, les conseillers pédagogiques et maîtres-formateurs du premier degré sont exsangues.
En mars 2020, un long confinement obligeait les acteurs de l’éducation à tout mettre en œuvre pour assurer une « continuité pédagogique » plus que complexe. Les conseillers pédagogiques et maîtres-formateurs ont su accompagner les professeurs des écoles, tant sur le plan technique que pédagogique. Ils ont également soutenu les directeurs et directrices d’école qui ont mis en œuvre les protocoles sanitaires et leur adaptation permanente tout au long des différents confinements, et œuvré au maintien du contact pédagogique avec les familles fragilisées et avec les équipes d’enseignants.
À la rentrée 2020, alors que la situation sanitaire se dégradait à nouveau, les formateurs se sont attelés à mobiliser toute leur expertise pour que les plans « Français » et « Maths » soient un levier de renforcement de la professionnalité enseignante, sans être perçus comme outils de contrôle des pratiques.
Pour autant, la charge de travail habituelle n’a pas changé et ce sont bien des missions supplémentaires qui ont chargé encore une barque déjà bien remplie. En effet, force est de constater que, même précisées dans une circulaire ministérielle parue en 2015, les missions premières des conseillers pédagogiques et maîtres-formateurs sont grandement malmenées, voire empêchées par l’accumulation de tâches générant un sentiment général de perte de sens.
Pire, par un effet domino entre conseillers pédagogiques chargés d’une formation continue qui se déporte sur les maîtres-formateurs eux-mêmes sursollicités, la formation initiale finit par être prise en charge par des enseignants non formateurs, sans certification. C’est aujourd’hui l’entrée dans le métier d’enseignant qui est fragilisée.
Dans une précédente tribune, en mai 2020, les conseillers pédagogiques et maîtres-formateurs exprimaient déjà leurs inquiétudes, soutenus par le SNUipp-FSU, le SE-UNSA et le SGEN-CFDT.
Ils alertaient sur le malaise au travail qu’ils ressentaient depuis de longues années, sur l’empilement de missions préjudiciables à leurs conditions de travail mais aussi à leur santé. Au final, le risque existe d’obérer la qualité de la formation des enseignants.
A cela s’ajoute le fait qu’aucune prime ou indemnité ne leur est attribuée parmi celles dont bénéficient les professeurs des écoles, et les directrices et directeurs : ISAE, ASA, prime pour exercice en REP et REP+, prime liée à l’implication dans la gestion de la COVID-19, prime relevant de l’équipement numérique.
Dès lors, faut-il s’étonner de la rédaction de cette nouvelle tribune ? Faut-il ignorer que chaque rentrée scolaire s’accompagne d’un nombre considérable de postes de conseillers pédagogiques vacants ? Ceci est au détriment de la formation des enseignants et de leurs gestes professionnels dont doivent bénéficier in fine les élèves qui leurs sont confiés.
L’ouverture annoncée de discussions sur les missions et les rémunérations des formateurs laisse entrevoir une volonté de réaffirmer les missions de formation et d’accompagnement des équipes. Pour les organisations signataires il ne saurait en être autrement.
La reconnaissance des missions des conseillers pédagogiques et maîtres-formateurs passe d’abord par la réaffirmation de leurs missions dont le cœur est la formation initiale et continue. Cela passe aussi par une égalité de traitement en termes de régime indemnitaire et entraîne donc le versement de toutes les indemnités dont ils sont exclus jusqu’à présent. L’annonce d’une revalorisation prévue au budget de 2022 devra être à la hauteur des attentes…
L’ANCP & AF [1], le SNUipp-FSU, le SE-UNSA et le SGEN-CFDT demandent que les missions des conseillers pédagogiques de circonscription concernent bien la formation et l’accompagnement des équipes enseignantes, à l’exclusion de toutes les autres dont, pour exemple, celles relevant de la gestion administrative des carrières des professeurs des écoles ou toute autre tâche sans lien avec la formation.
De ce recentrage des actions des formateurs du premier degré sur le cœur de leur métier doit advenir un objet de travail au plus près du texte de 2015 qui les régissent aujourd’hui.
Il importe de mieux considérer et faire considérer les missions des conseillers pédagogiques et maîtres-formateurs. Il est urgent de rendre à leurs fonctions le degré d’attractivité qu’elles ont pu connaître, sans confusion entre formation et management.