Rôle et place de la recherche, liberté pédagogique, bonnes ou mauvaises pratiques, efficacité comparée de telle ou telle méthode…
Roland Goigoux, professeur des universités en sciences de l’éducation, répond précisément à ses étudiants, futurs enseignants des écoles, qui interrogent le « petit livre orange » du ministre sur l’enseignement de la lecture.
Chères et chers collègues,
Voici quelques éléments de réflexion en réponse aux questions que vous m’avez adressées à la suite de la publication du guide ministériel « Pour enseigner la lecture et l’écriture au CP ».
Ce texte complète la note de service « Construire le parcours d’un lecteur autonome ». Il est d’inégale valeur sur le plan scientifique.
Une partie est consacrée à un rappel des conclusions des conférences de consensus de 20033 et 2016, par exemple sur la nécessité d’un enseignement explicite des correspondances entre lettres et sons, dès le début du CP.
Une autre partie, très contestable et non fondée sur le plan scientifique, est dédiée à l’apologie d’une méthode syllabique radicale alors que celle-ci ne devrait rester qu’une modalité parmi d’autres de cet enseignement.
Il comporte de nombreuses contradictions, on devine une pluralité de rédacteurs. Au début, par exemple, certains valorisent la plateforme Anagraph4 conçue pour aider les maitres à choisir les textes qu’ils donnent à lire à leurs élèves et à s’assurer que ceux-ci sont suffisamment déchiffrables. Un pari sur l’intelligence professionnelle des enseignants.
Un peu plus tard, d’autres font un pari sur leur docilité et imposent une méthode qui exige que les mots lus par les élèves soient 100 % déchiffrables, c’est-à-dire exclusivement composés de graphèmes dont la valeur sonore a été préalablement enseignée. Exigence radicale infondée.
Si les enseignants suivaient ces instructions, ils n’auraient le droit de faire lire et écrire la date qu’au mois de décembre, après avoir étudié le EN, le EU et le DR de jeudi et vendredi. Loin des réalités du quotidien des classes, les rédacteurs semblent oublier que les élèves de CP sortent de l’école maternelle où ils ont appris à lire et à écrire ces mots.