Depuis plusieurs décennies le projet d’une loi « dépendance » n’a cessé d’être reporté alors que l’état des Ehpad et de l’aide à domicile est catastrophique et que la crise sanitaire a révélé l’ampleur des décès et les effets désastreux de l’isolement des personnes concernées. Ces reports s’expliquent notamment par le choix néolibéral des gouvernements successifs qui ont refusé de construire une loi à hauteur de l’enjeu, avec un financement public, solidaire, conséquent, dans le cadre d’un service public, préférant renvoyer aux opérateurs privés et à la responsabilité individuelle.
La crise a poussé le gouvernement à entamer un processus de réponse par la création d’une branche autonomie à côté de celles qui existent déjà, branche qui intègre aussi le handicap. Ainsi sont publiées au JO, le 8 août 2020 deux lois relatives à la dette sociale et à l’autonomie qui valident, entre autres, « la création d’une 5e branche ». Des mesures financières concernant la perte d’autonomie seront inscrites dans le prochain PLFSS pour 2021 selon des modalités définies dans un rapport remis au Parlement "au plus tard le 30 septembre 2020 ». La discussion du PLFSS devrait commencer le 15octobre.
La loi organique d’août 2020 transfère la dette sociale à hauteur de 136 milliards d’euros à la CADES (Caisse d’Amortissement de la Dette Sociale*). Pour amortir cette dette, la date de fin de remboursement de la CADES est reportée de 9 ans (de 2024 à 2033), et ses recettes prorogées. La loi prévoit aussi le fléchage vers la CNSA**(Caisse Nationale de Solidarité pour l’Autonomie), dès 2024, d’une fraction de la CSG-0,15 point soit 2,3 milliards, actuellement affectée à la CADES.
Nous récusons une politique qui fait porter l’essentiel du coût de la crise sanitaire à la charge de la Sécurité sociale, l’affaiblissant encore davantage. Le transfert d’une partie de la dette Covid dans un compte « dette sociale » de la sécu sert au gouvernement pour continuer à utiliser encore et toujours la vieille argumentation ; « les caisses sont vides » pour justifier une politique de privatisation de la Sécu.
Ce que disent les textes
Lois
« La crise sanitaire a mis particulièrement en lumière les limites de notre système de prise en charge des personnes âgées. C’est pourquoi, le gouvernement s’engage à réaffecter une recette spécifique supplémentaire au financement de la prise en charge de la dépendance à hauteur de 0,15 point de CSG, soit 2,3 milliards d’euros ».
L’article 4 dispose que, « au plus tard le 30 septembre 2020, le gouvernement remet au Parlement un rapport afin de préparer la définition des modalités de structuration financière d’un risque ou d’une branche relatifs aux prestations contre la perte d’autonomie qui suppose d’isoler des recettes et des dépenses propres faisant l’objet d’un pilotage financier spécifique au sein de la loi de financement de la Sécurité sociale. Cette évolution est effectuée dans le respect de l’intervention de nombreux financeurs participant à cette politique aux côtés de la Sécurité sociale, notamment les conseils départementaux, et les communes, dont la libre administration a vocation à être garantie ».
Rapport et lettre de mission
Laurent Vachey, inspecteur général des finances, est chargé d’organiser « une concertation large sur la création d’une 5e branche, avec les partenaires sociaux, les représentants des personnes et des acteurs du secteur du grand âge et du handicap, ainsi qu’avec les collectivités territoriales dont la place est essentielle notamment pour le cofinancement de ces politique » Elle y inclue également les financeurs privés (assurances notamment).
L’inspecteur des finances est chargé de piloter également « les travaux conduisant à l’identification des sources de financement à mobiliser prioritairement pour couvrir la réforme du Grand âge à compter de 2021. Il appartiendra au gouvernement de soumettre au Parlement dans la prochaine LFSS une trajectoire pluriannuelle de dépenses pour la nouvelle branche accompagnant les mesures de réforme envisagées, mais il est demandé à Laurent Vacher d’examiner quels pourraient être les leviers à mobiliser pour assurer le financement équilibré d’une enveloppe définie a priori et de façon conventionnelle à 1 Md€ en 2021 et 3 ou 5 Md€ à horizon 2024, étant entendu qu’à compter de cette date et comme indiqué ci-dessus, une partie du besoin sera couvert par la réaffectation à la nouvelle branche de 0,15 point de contribution sociale généralisée (CSG) aujourd’hui perçu par la CADES ».
La FSU ne se retrouve pas dans les principes énoncés dans la double loi. Elle rappelle son attachement à l’architecture de la Sécurité sociale et réaffirme son universalité.
Au lieu de la prise en charge par la branche maladie du risque autonomie, le gouvernement choisit la création d’une cinquième branche, isolée des autres, permettant l’introduction des financeurs privés (assurance) ainsi que le définit le texte de loi. Par ailleurs, le gouvernement prévoit de rendre la CNSA gestionnaire de la nouvelle branche alors que sa composition est très éloignée des autres branches de la Sécurité sociale et minore la représentation des partenaires sociaux.
Nos propositions :
La situation de perte d’autonomie d’une personne peut arriver à tout âge. Elle fait partie des aléas de la vie et à ce titre s’intègre naturellement dans la branche maladie de la Sécurité sociale. Nous défendons aussi le principe d’une prise en charge à 100 % par la Sécu de la perte d’autonomie.
Si un renforcement des recettes est absolument nécessaire, la FSU considère qu’il doit avoir lieu dans le cadre du salaire social à partir des cotisations sociales, préservant l’universalité de la branche de l’assurance maladie et non par l’impôt, ni par des financements privés.
Notre réflexion s’engage dans le cadre d’un payeur unique (la Sécurité sociale) et d’une gouvernance unique, intégrée dans la Sécurité sociale. L’expérience montre que le recours à des complémentaires privées est coûteux et renforce les inégalités.
La diversité des politiques des départements pourrait être résolue par une règle nationale, des financements suffisants pour répondre aux besoins des personnes concernées et de la progression de leurs effectifs.
La crise sanitaire récente que nous venons de vivre nécessite une réponse globale prenant en compte l’ensemble des problématiques liées à la perte d’autonomie et au handicap. A ce sujet, la barrière d’âge n’a plus lieu d’être.
La FSU revendique la création d’un Service public de l’aide à l’autonomie qui serait chargé d’offrir à toutes les personnes, sur la totalité du territoire national, des services de qualité et dans les mêmes conditions. La présence d’un tel service public de l’aide à l’autonomie éviterait aux aidant-e-s, dont le rôle est indispensable, d’être trop souvent, épuisé-e-s physiquement et psychologiquement.
Si l’état scandaleux de la prise en charge de l’autonomie en France et les puissantes mobilisations des personnels et des usagers ont contraint le gouvernement à prendre en compte cette question, ses décisions ne répondent pas à nos exigences et s’inscrivent dans la poursuite d’une politique de destruction de la Sécurité sociale. La FSU s’emploiera à créer les convergences les plus larges pour oeuvrer à une reconquête de la Sécu. Une première étape : l’anniversaire des 75 ans de la Sécu pour construire la Sécu du 21e siècle. La FSU appelle de ses organisations à participer, à cette campagne et à se mobiliser sans attendre pour peser sur l’élaboration du PLFSS et du budget de l’Etat.
La FSU a été reçue par Laurent Vacher le 3 septembre. Sans déflorer le contenu de son rapport, il a confirmé le calendrier et l’inscription du financement de l’autonomie (un milliard d’euros) dans le cadre du PLFSS).
*CADES : caisse créée en 1996 pour « éponger » les dettes du régime général de la sécu
**CNSA : établissement public, créé en 2004 après la canicule de 2004 pour participer au financement de l’aide à l’autonomie