« Confortons notre système d’assurance maladie » : il ne faut pas se fier au titre de l’étude confidentielle à laquelle le Medef est en train de mettre la dernière main dans la perspective de l’élection présidentielle de 2012 et dont Mediapart s’est procuré une copie.
Car, en réalité, c’est une implosion du vieux modèle social français, auquel la Sécurité sociale est adossée, que préconise le patronat français.
Ce texte retient l’attention à un double titre : parce qu’il recommande une cascade de réformes sulfureuses ; parce qu’il a la franchise de dire haut et fort ce que le gouvernement met souvent en pratique mais sans oser le claironner sur les toits.
Ce texte encore confidentiel, dont on peut prendre connaissance ci-dessous, se présente sous la forme d’un « projet de note », détaillant la « position du groupe travail Santé » du Medef, arrêtée au 2 novembre 2010.
Long de 23 pages, non comprises plusieurs annexes (notamment une annexe 1 qui présente un chiffrage de ces propositions), ce document a été élaboré sous la houlette de la Commission protection sociale du Medef. Elle est présidée par Jean-François Pilliard, délégué général de l’UIMM, la fédération patronale de la métallurgie.
Les auteurs de la note ne sont pas identifiés ; on devine juste au détour d’un argumentaire que la Fédération française des sociétés d’assurance (FFSA) a été représentée dans le groupe de travail, puisqu’il est fait mention d’une proposition défendue par elle. On peut toutefois raisonnablement penser que, outres les assureurs, toutes les autres fédérations patronales concernées (industrie du médicament, etc.) ont apporté leur pierre à ce travail.
On pourrait certes penser que ce genre de note un tantinet provocatrice est un grand classique du Medef, et de son ancêtre le CNPF, et plus généralement de la droite.
Du célèbre rapport Piketty (rien à voir avec l’économiste, Thomas de son prénom) de 1965, jusqu’à la note d’aujourd’hui, en passant par une cascade d’autres études, dont celle d’un certain… Raymond Soubie, de juin 1993, intitulée Santé 2010, puis celle du même Raymond Soubie, en 1994, intitulée Livre blanc sur le système de santé et d’assurance maladie (écrite avec l’aide d’un jeune rédacteur dénommé… Martin Hirsch), l’assurance maladie a toujours constitué une sorte d’obsession pour le patronat.
Trop coûteuse ! Assise sur des logiques trop collectives, trop solidaires et pas assez sur des logiques relevant du privé et de l’assurance !.. Cela fait des lustres que le patronat préconise des réformes profondes.
Mais cette note est empreinte d’un ton nouveau, encore un peu plus radical qu’à l’accoutumée, comme si le patronat avait le sentiment que l’assurance maladie, ébranlée au fil des ans par d’innombrables plans d’économies et de déremboursements, était à un point de bascule de son histoire et que le moment était venu de lui donner un coup de boutoir décisif.
Le projet de note s’articule en effet autour d’une seule et unique question : « “L’Etat providence” tel que nous le connaissons depuis 1945 est-il encore soutenable dans les années à venir ? »
Et la réponse, on la devine : c’est non ! Dans un néologisme anglo-saxon qui en langage patronal se veut moderne, cela revient à plusieurs reprises : « La soutenabilité du système d’assurance maladie en question. »
Le texte fixe d’abord comme ambition d’« engager une réflexion systémique ». « Il convient de conforter notre système de santé en y introduisant des réformes courageuses au plus tôt, sans doute après les élections présidentielles de 2012 », dit la note, qui recommande pourtant la mise en œuvre, si besoin, de certaines dispositions urgentes avant même l’échéance présidentielle.
Laurent Mauduit
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