Présent
es : Anne Genetet (Ministre), Carole Drucker-Godard (directrice de cabinet, ex rectrice de Limoges), les directeurs de cabinets adjoints Rayan Nezzar et Dominique Malroux (ex Dasen 44)FSU : Benoit Teste, Guislaine David (SNUipp), Sophie Vénétitay (SNES), Coralie Benech (SNEP), Saphia Guerischi (SNICS), Axel Benoist (SNUEP)
Le propos liminaire de la FSU a permis de rappeler le contexte de sa nomination, le fait qu’elle est la 5e ministre depuis 2022, qu’il y a une véritable crise, une défiance envers l’institution, une crise des métiers et qu’elle doit nous apporter des réponses. Elle est la cinquième ministre en 18 mois, les personnels ont été ballottés de ministres en ministres, sans être écoutés. Les ministres ont gouverné contre les personnels et maintenant, vu la défiance, le repli sur soi, l’absence d’écoute, cela pourrait se transformer en gouverner sans les personnels. Un plan pour l’École est nécessaire et les moyens existent, en allant les chercher (pour le budget 2025 et les années suivantes).
En réponse à ce propos, la ministre nous a fait l’éloge du dialogue social et de l’écoute des personnels et des organisations syndicales. Elle dit être présente pour échanger et ne pas être sur un modèle de verticalité, entendre la colère des enseignant
es et se sentir très fière d’être à la tête du ministère. D’après elle, on parle beaucoup des élèves quand on parle de l’École mais pas assez des personnels, on ne dit pas assez merci aux personnels.Ceci dit, elle reprend très vite les éléments de langage de Michel Barnier sur le budget. Elle « ne pourra pas faire de miracles, le budget est contraint mais elle a de l’ambition pour l’École ». Elle croit viscéralement à l’École de la république, à l’égalité des chances. Elle veut que chaque enseignant
e, chaque élève soit fièr e de son école, de son établissement. Elle considère qu’on a « une belle école » qu’elle défendra « comme un bel outil de la République ».Le cap est fixé mais la vitesse de croisière n’est pas déterminée. Elle dit « le navire garde le cap ; ce que je vais changer c’est la vitesse du navire » en allant moins vite pour écouter les personnels.
La FSU SNUipp est intervenue sur le premier degré et a dans un premier temps émis des doutes sur ce qu’elle entendait en termes de dialogue social prenant à témoin les votes défavorables de la communauté éducative des textes en CSE et en CSA et leur non prise en compte par les différents ministres.
En effet, toutes les réformes passées l’année dernière, l’ont été à marche forcée, recevant systématiquement une opposition quasi unanime de l’ensemble de la communauté éducative.
Nous l’avons alors questionnée sur ce qu’elle pensait du CSE et si, comme le premier ministre l’avait annoncé dans sa déclaration de politique générale, elle allait renoncer « aux grandes réformes et à une énième modification des programmes ».
Nous avons abordé les questions des programmes de C1 et de C2, de la labellisation des manuels, du programme d’EVARS, des fermetures de classes à la rentrée, de l’inclusion, de la dégradation des conditions de travail, de l’attractivité du métier et du recrutement massif des contractuel
les un peu partout, du budget, des salaires, du plan d’urgence pour la Seine-Saint-Denis.Voici en résumé quelques-unes de ses réponses, elle n’a pas répondu sur tout.
Programmes de cycle 1 et 2 :
Les programmes sont écrits et le travail est engagé, on ne va pas tout arrêter mais ce n’est pas totalement arbitré. C’est important de se concentrer sur de nouveaux programmes dans un contexte de baisse de niveau général des élèves. Elle ne répond pas à notre propos liminaire sur les votes défavorables de la communauté éducative en CSE.
Sur la petite phrase « pas besoin de grandes réformes, ni de nouveaux programmes » : les programmes « choc des savoirs » ne sont pas publiés mais sont prêts. Donc elle ne dit pas qu’elle les enterre, elle dit que les réformes ne peuvent pas s’empiler mais qu’on ne peut pas tout détricoter ce qui est engagé …
Sur les programmes d’EVARS (Espaces vie affective, relationnelle et sexuelle) et l’attaque de certains groupuscules :
Elle est en train de prendre connaissance des programmes mais souhaite qu’ils soient publiés rapidement. Elle annonce qu’elle ne se laissera pas dicter sa conduite par les parents vigilants.
Labellisation des manuels en lecture :
Elle estime que c’est bien pour les enseignant
es car elle est inquiète de ce que peuvent produire les éditeurs scolaires, elle estime qu’il y a un manque de cohérence et que de ce point de vue tous les élèves doivent avoir « la même égalité des chances ». La ministre confond labellisation et conformité aux programmes. Mais cela restera au choix des enseignant es. Elle ne répond pas à la question des financements par la collectivité et l’État si le manuel est labellisé (elle a l’air d’ignorer ce détail). Là aussi elle affirme ne pas avoir tranché.École inclusive :
Elle parle de son expérience de médecin et dit que le principal sujet c’est le manque de formation des personnels ainsi que leur expertise. Elle dit avoir conscience que les prescriptions mettent en difficulté les enseignant
es. Elle appuie ce qui a été fait par les AESH. Elle n’évoque pas l’enseignement adapté et ne répond pas aux places manquantes en ESMS.Budget 2025 et fermetures de classes :
Elle va défendre un budget mais on doit comprendre qu’il sera contraint, il y a encore des arbitrages en cours. Le taux d’encadrement a progressé mais il peut encore s’améliorer.
Salaires :
La rémunération des enseignant
es a été revue, l’effort a déjà été fait. Le budget est contraint, mais l’attractivité doit aussi passer par les conditions de travail.Sur le pacte, elle entend le bilan au bout d’un an et se lance alors dans une tirade pour dire qu’elle veut un bilan rigoureux, objectif, précis, quantitatif et qualitatif. Nous lui rappelons que notre bilan s’appuyait sur l’enquête de la DEPP (sur le second degré). La directrice de cabinet et son adjoint volent alors à son secours pour dire qu’il y a des choses très bien dans le pacte, qu’on progresse, que beaucoup d’enseignant
es sont maintenant rémunéré es pour des projets qu’ils et elles faisaient avant sans être payé es. « On ne peut pas tirer des conclusions au bout d’un an, on ne peut pas détricoter des réformes comme ça » (sous-entendu les réformes de Macron).Formation initiale :
L’arbitrage n’est pas pris, la ministre va réactiver un comité de suivi avec son collègue du supérieur. Elle doit voir si la réforme est compatible avec le cadre budgétaire (pas évident…).
Plan d’urgence du 93 :
Elle ne répond pas. La demande a minima de recevoir l’intersyndicale du 93 a été rappelée deux fois.
Autres questions posées par les autres syndicats de la FSU :
Choc des savoirs et groupes de niveaux :
on ne peut pas faire un bilan dès maintenant des groupes de niveaux. Elle se dit contre le tri social, mais les groupes de niveaux c’est un outil d’égalité des chances, de rehaussement du niveau des élèves. Face à nos éléments de bilan, la directrice de cabinet vient à nouveau à son secours en disant qu’il y a des choses très bien, un bilan positif dans la mise en place des groupes de niveaux. La ministre affirme que des moyens ont été dégagés. Nous lui rappelons que les moyens dépendent du budget donc de décisions à prendre d’ici le budget 2025 si on revient sur les groupes.
Lycée professionnel :
Pas de réponse directe aux questions sur la nouvelle terminale bac pro (examens en mai et parcours différencié) et la carte des formations qui doit aboutir à une augmentation de places en lycée pro.
Elle ne veut pas déconstruire car il faut « laisser le temps aux réformes de produire leurs effets » (même négatifs…).
Élèves victimes d’Obligation de Quitter le Territoire Français :
La ministre affirme qu’elle défendra les élèves, que ce sera sa ligne.
Le déroulement de cet entretien montre que nous avons affaire à une ministre très encadrée. Alors que le fossé se creuse avec les personnels et qu’il y a nécessité de gestes forts, elle agira sur quelques sujets mais ne traitera pas les dossiers structurants qui restent soit pilotés ailleurs, soit tenus par des contraintes budgétaires. Le dialogue social risque lui aussi d’être très contraint.