FSU-SNUipp 47
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Annonces du ministre : retour vers le futur
 Mis en ligne en décembre 2023
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Gabriel Attal a choisi le jour de la publication des résultats de PISA pour rendre publique une série d’annonces prétendant aboutir à un “choc des savoirs”. Pour l’y aider, il a diligenté une mission “Exigence des savoirs” pour auditionner la communauté éducative et orienter ses annonces. Force est de constater que les mesures étaient déjà écrites à l’avance et que la parole des personnels, de leurs représentantes et représentants n’a aucunement été prise en compte.

L’analyse de la FSU-SNUipp 47

Souhaitant marquer sa distance avec le ministre Blanquer dans sa communication, ne cessant tout au long de son courriel de saluer l’expertise d’une profession qu’il juge capable d’accomplir "des miracles" pour finalement marquer sa foi aux desiderata de Jupiter. Nous nous retrouvons face à une attaque frontale, brutale envers l’histoire de notre métier, notre professionnalité.

École réactionnaire

Tournant le dos à la recherche en éducation voire aux recommandations du rapport PISA, le ministre recycle les « bonnes vieilles méthodes » comme les groupes de niveaux ou le redoublement pour réformer l’école. Pour accompagner le redoublement, des stages de réussite dont la rémunération Pacte se voit augmenter sont annoncés. Eux qui existent depuis 2008, s’ils avaient fait preuve d’efficacité, cela se saurait…

Pour la FSU‐SNUipp cela va à l’encontre des avancées des chercheureuses, en France comme à l’international, qui ont conclu que le redoublement n’a pas d’effet positif à long terme sur les performances scolaires des élèves. Au contraire, le redoublement a le plus souvent des effets délétères, comme l’a prouvé en 2015 le CNESCO.
Dans cette école que devient la coéducation ? Comment entretenir le lien avec les familles surtout celles les plus éloignées de la culture scolaire ?

Le prétendu pouvoir donné aux enseignantes ne sert qu’à trier, qu’à classer, voire exclure un grand nombre d’élèves. En aucun cas n’est redonné aux enseignantes du pouvoir d’agir contre l’échec scolaire ou pour lutter contre le creusement des inégalités scolaires corrélées aux inégalités sociales.
Comme le relève Claude Lelièvre, historien de l’éducation :

« Les performances en mathématiques et en compréhension de l’écrit sont fortement corrélées avec le statut socioéconomique des élèves. Cette variable prédit 21 % de la variation des performances des élèves en mathématiques en France dans PISA 2022 (à comparer à 15 % en moyenne dans les pays de l’OCDE), et 17 % de la variation en compréhension de l’écrit (à comparer
à 13 % en moyenne dans les pays del’OCDE) »

Non Monsieur Attal, ce n’est pas la pédagogie contre la sociologie, c’est la politique gouvernementale contre l’histoire, la sociologie et les sciences de l’éducation.

École "labellisée" République : liberté pédagogique survivras‐tu ?

Gabriel Attal nous considère donc comme de simples exécutantes dont on attend qu’ils et elles ne fassent qu’appliquer la bonne "méthode", la seule et unique validée par l’Etat. L’imposition de manuels “labellisés” en français et en mathématiques, la méthode de Singapour obligatoire pour tout le monde vont donc suppléer à la liberté pédagogique.

Paul Devin [1] rappelle

« L’école républicaine a toujours fait le choix de la liberté des manuels. Les questions, qui se posent au début de la IIIe République, sur l’instauration d’un contrôle sont rapidement réglées par la détermination de Ferdinand Buisson et Jules Ferry : les ouvrages doivent être librement choisis par les enseignants. »
[…]
Comme Condorcet l’affirmait dès 1792 « aucun pouvoir public ne doit avoir ni l’autorité d’empêcher […] l’enseignement des théories contraires à sa politique particulière ou à ses intérêts momentanés ». Il fondait ainsi le principe de la liberté pédagogique comme garantie essentielle de la démocratie.
La liberté du choix du manuel scolaire procède de la même nécessité d’empêcher l’instrumentalisation
idéologique de l’école. Ce n’est pas un caprice d’enseignant attaché à ses prérogatives, c’est la condition de l’école démocratique et émancipatrice."

Ainsi, le seul moment historique où les manuels ont été soumis au contrôle de l’État c’est sous la France de Vichy.

"Ce n’est pas l’enseignement de la lecture qui en est l’enjeu essentiel mais celui de
l’histoire et de la géographie dans des perspectives nationalistes et antirépublicaines… et dans des volontés antisémites qui verront l’interdiction des manuels d’histoire Mallet‐Isaac du seul fait que Jules Isaac est juif. La stratégie cumule les interdictions pour les manuels déjà publiés, les autorisations préalables pour les nouveaux et se généralise à l’ensemble des disciplines." [2]

Le dogme aujourd’hui n’est pas celui de la xénophobie et de l’antisémitisme mais celui de l’efficacité, de la performance, du management. Si la méthode est labellisée c’est parce qu’elle est efficace.
Si elle est efficace c’est que je peux la mesurer.
Peut‐on craindre le pire quand le ministre parle de simplification des programmes ? Doit‐on craindre une nouvelle fois des nouveaux programmes délivrés pendant les vacances scolaires d’été ?
La dystopie est‐elle en marche ? Allons-nous devenir des manutentionnaires du savoir ? L’avenir pour notre avancement n’est‐il pas dans l’esprit du ministre calibré sur notre efficacité quantifiable par la comparaison entre les résultats attendus de nos élèves aux différentes évaluations nationales selon l’IPS de l’école et les résultats obtenus ? On mesurerait ainsi le nombre de stages de réussite dont les élèves en difficulté auraient bénéficié…

Monsieur Macron, Monsieur Attal, laissez Ferdinand Buisson reposer en paix !

Attaque terroriste. Enseignant tué. La République attaquée. Macron invoque Buisson.
Attaque du métier. Liberté pédagogique sacrifiée. L’école de la République attaquée. Attal invoque
Buisson pour justifier d’imposer la méthode de Singapour.

Est‐ce bien ce même Ferdinand Buisson qui affirmait que le manuel unique était une chimère, auquel le ministre fait appel ?
Ce même Ferdinand Buisson qui écrivait dans son dictionnaire de pédagogie et d’instruction primaire (édition de 1911) à Mathématiques [3] :

"L’enfant ne s’intéresse qu’à ce qu’il peut comprendre, qu’à ce qu’il peut se représenter par un exemple familier, qu’à ce qui lui apparaît comme utile ou utilisable. Il faut donc, avant tout, que le maître ne s’écarte jamais de la réalité, ne choisisse ses exemples que parmi les choses connues de ses élèves, ne leur fasse faire que des exercices tirés des applications usuelles des mathématiques dans la vie courante[…]
Des maîtres trop pressés croient avoir fait œuvre utile en conduisant très rapidement leurs élèves jusqu’au bout du programme. Ils annoncent avec satisfaction que des enfants de six à sept ans « font déjà des règles de trois composées » ; ils les font, il est vrai, mais mécaniquement, par application d’une règle apprise par coeur et sans comprendre. Une telle manière d’enseigner les mathématiques n’est aucunement profitable. L’enfant, au sortir de l’école, oublie aussitôt toutes les
règles apprises, et ne garde de l’instruction qu’on lui a donnée qu’un souvenir confus et pénible."

Des valeurs bien éloignées de l’enseignante exécutante 2.0 cher à Blanquer dans son école de la confiance et mis à jour ce mardi 5 décembre par Gabriel Attal.
Nous conseillons à Monsieur Attal de s’orienter vers les analyses de Brissiaud [4] concernant l’enseignement des mathématiques et de Goigoux [5] pour l’apprentissage de la lecture.

Une réponse forte de la profession attendue

Les écrits engagent. Ceux du ministre ? Nous devons les combattre, les condamner.

Ces annonces ne répondent en rien au cri d’alarme lancé par les personnels. La réalité c’est que les conditions de travail et donc l’enseignement se dégradent partout sur le territoire comme en témoignent les 102 alertes école déposées par la FSU‐SNUipp dans tous les départements le 28 novembre dernier.

Des moyens sont nécessaires pour transformer l’école et combattre les inégalités. Il faut prévenir et non punir la difficulté scolaire.
Cela nécessite de reconstituer des réseaux d’aides, de former des PE spécialisés, de recruter des enseignantes et enseignants surnuméraires, d’alléger les effectifs par classe sur tout le territoire et dans toutes les classes, en donnant de réels moyens pour faire fonctionner l’inclusion scolaire. Et ce n’est pas en supprimant 1709 postes dans le premier degré à la rentrée 2024 que nous y parviendrons.

Rassemblons‐nous pour engager une réflexion vers une riposte la plus forte possible face à la brutalité de ces décisions unilatérales que nous allons toutes et tous subir.

Communiqué de presse national

Tournant aussi le dos à la recherche en éducation voire aux recommandations du rapport PISA, le ministre recycle les « bonnes vieilles méthodes » comme les groupes de niveaux ou le redoublement pour réformer l’école. Pour accompagner le redoublement, des stages de réussite sont annoncés, stages qui existent depuis 2008. S’ils avaient fait preuve d’efficacité, cela se saurait.

Mais c’est aussi par les injonctions et la caporalisation des enseignantes et enseignants que Gabriel Attal se distingue dans ces annonces. L’imposition de manuels “labellisés” en français et en mathématiques va donc suppléer à la liberté pédagogique. En mathématiques, la méthode de Singapour devient la méthode obligatoire pour tout le monde. Une fois de plus, à l’inverse de ce qu’il écrit aux professeurs des écoles, le ministre ne les considère pas comme des professionnels experts de leur métier mais comme de simples exécutants.

Ces annonces et leurs conséquences sur le métier enseignant ne peuvent qu’aggraver les inégalités entre les élèves et s’apparentent à une volonté de tri social.
Elles ne répondent par ailleurs en rien au cri d’alarme lancé par les personnels. La réalité c’est que les conditions de travail et donc l’enseignement se dégradent partout sur le territoire comme en témoignent les 102 alertes sociales déposées par la FSU-SNUipp dans tous les départements le 28 novembre dernier.

Des moyens sont nécessaires pour transformer l’école et combattre les inégalités. A contrario des annonces qui sont faites, il faut prévenir et non punir la difficulté scolaire. Cela nécessite de reconstituer des réseaux d’aides, de former des PE spécialisés, de recruter des enseignantes et enseignants surnuméraires, d’alléger les effectifs par classe sur tout le territoire et dans toutes les classes, en donnant de réels moyens pour faire fonctionner l’inclusion scolaire. Et ce n’est pas en supprimant 1709 postes dans le premier degré à la rentrée 2024 que nous y parviendrons.

La politique annoncée et le refus de prendre en compte la réalité des écoles sont les signes d’un avenir sombre pour l’école publique.
Fort des alertes sociales déposées, la FSU-SNUipp demande à être reçue en urgence par le ministère. Pour la réussite de tous les élèves, une autre politique éducative est possible mais cela demande de l’ambition et des moyens. Cela demande aussi de rompre avec le dogme du “c’était mieux avant” pour prendre en compte les travaux de la recherche et écouter les professionnels de terrain !

Paris, le 6 décembre