Le 11 février 2005 marquait un tournant pour la place du handicap dans la société et sa reconnaissance par l’État. Ce tournant est celui de la Loi pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées [1].
Historiquement, les enfants « à besoins éducatifs particuliers » étaient déjà accueillis en classe même si principalement, il s’agissait des enfants atteints de troubles dys. Les autres étaient dans les familles, dans les établissements aujourd’hui connus sous l’acronyme ESMS.
Suite au vote de l’assemblée, le président Chirac prononçait le cap suivant pour l’école : « C’est là que tout se construit, la personnalité, le sentiment d’appartenance, le regard sur l’autre, la reconnaissance et l’acceptation des différences. […] L’intégration scolaire est donc une priorité essentielle. »
À cette période de l’histoire, on parle d’intégration. Le mot « inclusion » prendra sa place dans le vocabulaire administratif puis social à partir de 2009 quand l’éducation nationale redéfinit les CLIS : auparavant Classe pour l’intégration scolaire en Classe pour l’inclusion scolaire (aujourd’hui elles sont devenues des unités localisées d’inclusion scolaire).
À ce sujet, Hugo Dupont dans l’introduction de son article « L’inclusion ou la fin de la discrimination pour les personnes handicapées : Chimère ou réalité ? [2] » : « ce terme (inclusion), devenu à la mode dès qu’il s’agit de handicap, fait l’objet de nombreuses utilisations qu’elles soient politiques, juridiques ou savantes, dans des domaines aussi variés que l’espace public, l’emploi, l’éducation mais aussi la formation, la culture, le logement, etc. Ce mot remplace peu à peu ceux d’intégration et d’insertion, devenus paria. »
Pourtant, notre regard sur le handicap a-t-il évolué ? 20 ans après, où en sommes-nous de l’inclusion ?
Quand Chirac parle de 48 000 élèves en situation de handicap scolarisés en 2002, nous nous retrouvons en 2023 avec 235 416 enfants scolarisés uniquement dans le premier degré. Une augmentation de 144% dans le premier degré et de 527% dans le second degré.
À contrario, la scolarisation des élèves en situation de handicap dans les ESMS plafonne sous les 78 000 élèves.
Dans le premier degré, la répartition des élèves scolarisés en milieu ordinaire a également explosé.
Nous pouvons constater qu’en 2005, sur les 140 000 élèves en situation de handicap scolarisés 40% l’étaient en ULIS alors qu’en 2023 ce n’était le cas que pour 20% d’entre eux. 80% des élèves du premier degré sont donc scolarisés dans nos classes sans dispositif.
Quels élèves dans nos classes ? Quelles évolutions ?
Les chiffres parlent d’eux mêmes et dans notre département, on peut s’entendre dire que la MDPH notifie trop.
L’École se retrouve délaissée pour assurer cette mission qui est celle de l’inclusion. L’institution n’est pas prête pour accueillir et enseigner à ces élèves. Elle ment aux familles.
Autre notion importante, c’est que l’inclusion se vit à 90 % dans les écoles publiques. Pourtant on entend souvent que le handicap touche toutes les classes sociales. Cependant les chiffres laissent supposer que les écoles privées ont plus de réticences à la mettre en place.
Quels accompagnements ? Quelles aides ?
L’intégration des élèves notifiés se fait par des AVS.
À partir de 2012 et du décret n°2012.903 du 23 juillet, nous entrons dans l’ère de la mutualisation avec l’introduction des AVS-I et AVS-Mutualisé.
En 2014, elles deviennent des AESH.
Enfin, en 2019, apparaissent les PIAL qui se retrouvent à “gérer” l’inclusion.
Depuis 2005, ces personnels précaires sont toujours dans l’attente d’un statut.
La considération de l’État pour l’inclusion, pour les familles de ces enfants en situation de handicap, est à l’image du traitement des AESH. Il faut en finir avec les grands discours car ils ne résistent pas à l’épreuve de la réalité.
Pour le ministère, les ESMS et l’inclusion ne vont pas ensemble. Pour une place en ITEP ou en IME, c’est plus de deux ans d’attente. Les familles sont prises en otages dans un parcours du combattant. Derrière les discours de bienveillance, l’État abandonne souvent ces élèves au nom des restrictions budgétaires.
Que dire du RASED… 1 psychologue scolaire pour 1500 élèves. Maître
Aujourd’hui, si les familles qui ont un PPS en font la demande, les spécialistes qui exercent en libéral (psychomotricien ne, ergothérapeute,…) peuvent intervenir dans les écoles et établissements.
Au milieu de tout cela, pour les équipes difficile de s’y retrouver. Pourtant, le système n’est pas avare d’injonctions, de remises en cause, de conseils tout prêts, de kits, d’applications et logiciels qui sont vécus parfois comme une non prise en compte du problème posé par l’inclusion d’un
e élève, de leur mal-être. La hausse de fiches SST en est le révélateur.- 20 ans plus tard, l’École ne se donne pas les moyens de construire l’inclusion, et de développer ce projet de vivre ensemble. Pire, elle s’est amputée de moyens humains précieux. Une vision entrepreneuriale de l’inclusion, où le progrès c’est mutualiser et l’avenir envisagé c’est autonomiser pour miser sur la capacité à tenir des enseignant es sans aide.
- 20 ans plus tard, l’école dite inclusive n’en a que le nom. « En laissant aux personnes handicapées, via des dispositifs et aides, leur place au sein des institutions de droit commun, ces dernières sauvent la face en affirmant être inclusives. Mais en ne faisant qu’étayer les institutions au lieu de les transformer, nous continuons de faire du handicap une catégorie administrative qui désigne ceux à qui notre société et à travers elle, nos représentations, n’accordent qu’une place ambivalente et ambiguë (Stiker, 2017 ; Dupont 2018)"
Pour la FSU-SNUipp 47, cet anniversaire doit être le moment de réunir l’ensemble de la communauté éducative dans une série d’actions fortes. Le 11 février, l’intersyndicale donnera une conférence de presse sur ce sujet et communiquera le calendrier des actions.
Guillaume Arruat